En m’extirpant de la vision et de l’écoute de Superposition, de Ryoji IKEDA, je me suis dit que tout cela, cette diarrhée cosmique d’informations, finirait dans une superbe déflagration universelle, dans cette Ekpyrosis qu’évoquent les Stoïciens. Grotesque combustion de la stupidité humaine (occidentale à l’origine),de la croyance en une raison  technique sectorisée.

Quand je suis sorti, je me suis demandé si l’essor des corneilles qui s’envolaient en grappes des platanes en croassant très fort avait une signification, décryptable. – Une signification ? Oui, à laquelle il faudrait en ajouter bien d’autres pour la rendre utilisable. Par… superposition. Mais leur surabondance pourrait aussi anéanti cette signification : par excès. Dans Superposition de Ryoji Ikeda, on entend et on voit  (les signaux sonores et visuels y deviennent peu à peu indiscernables) des milliards d’informations s’empiler et s’enchevêtrer comme par l’effet d’un automatisme fatal (« progrès » incessant des techniques d’information depuis les années 1950). Incessant et pathologique, cancéreux, un système de systèmes qui s’anéantit lui-même et qui a commencé sa course psychotique au 17ème siècle.

Et on organise ainsi des opérations de domination de parcelles d’univers. Et on pense pouvoir maîtriser et posséder même l’univers entier, dans l’effectuation de ce projet que Descartes a appelé de ses vœux et exposé les lignes directrices. Mais la monstruosité de l’échec global, aujourd’hui (et déjà hier, d’ailleurs, voici un siècle ou un peu plus) est à la mesures des réussites sectorielles de ce projet techno-scientifique énoncé au 17ème siècle. La pièce d’Ikeda, Superposition, le suggère avec une sorte de poésie d’ingénieur schizoïde en exposant des monceaux d’informations extirpés de secteurs très divers. Mots croisés d’ingénieurs nucléaires et notes de la Défense américaine, équations différentielles et fractales, formules appliquées à l’informatique récente, microphysique et… astronomie. 

Astronomie. Tout cela et la tartine au miel que je suis en train de dévorer, tout cela finira en une explosion cosmique, en une déflagration universelle. En une sublime Ekpyrosis. Qui en sera le Néron ? 

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